Eprina, une PME qui transforme fruits et plantes d’Haïti

Entreprise & Entrepreneur Eprina, l’Entreprise de production de richesse nationale, s’est lancée dans la transformation de fruits et la fabrication de savon liquide. En dépit d’un manque criant de financement, le gérant-responsable de cette entreprise, Edson Lubin, parcourt plaines et montagnes à la recherche de solutions viables aussi bien pour l’environnement que pour l’avenir de son entreprise.

Publié le 2017-04-06 | Le Nouvelliste

Ces dernières années, la production des agrumes broie du noir quand celles-ci ne sont pas gaspillées ou mal conditionnées. Edson Lubin conçoit l’entrepreneuriat comme un moyen de soigner l’environnement. L’ingénieur-agronome déborde d’énergie quand il s’agit de parler de l’environnement. Son entreprise produit du jus de fruits et du savon liquide pour la lessive. Les marges de profit servent à alimenter le bras social de l’institution, Synergie, action, développement intégré (Syacdein). Une certaine fluctuation est constatée dans la transformation des agrumes. Ces dernières (orange;citron; pamplemousse ou chadèque) font face à de nombreux problèmes actuellement. « Malheureusement, nous ne disposons pas de diagnostics clairs pour nous indiquer la traçabilité des grains et des semences. Il est difficile de conclure avec précision », a indiqué Edson lubin, un ancien du collège Notre-Dame du Perpétuel Secours au Cap-Haïtien et de la Faculté d’agronomie et de médecine vétérinaire de l’Université d’État d’Haïti. L’homme est originaire de Grand-Pré près de Quartier-Morin, qui a logé l’une des meilleures fermes de vulgarisation agricole du pays : la ferme Pote Kole. Les oranges Washington Level, Gabion Coprofer kenbe, les herbes du Guatemala (ou rozo), Napier, les cocotiers dits de Damien sont tous passés par cette ferme d’expérimentation. Cette ferme est la principale source d’inspiration d’Edson Lubin à côté de son père technicien agricole. Le mal qui frappe les agrumes laisse les concernés dans l’expectative. Est-ce un virus, un champignon ou autre ? « En Haïti, nous n’avons pas d’information sur les clones. L’arbre dont nous récoltons les produits a été planté par nos grands-parents », a fait remarquer Lubin qui informe que l’historique des semences n’existe presque pas. Elle permettrait de jauger la dégénérescence naturelle des semences. La seule façon de lutter contre la disparition de ces arbres est de continuer à planter suivant une sélection massale, choisir les meilleurs grains à reproduire. Les fruits transformés en jus pasteurisé par Eprina viennent du marché de Croix-des-Bossales et de celui de Pétion-Ville. Edson Lubin dit qu’il est prêt à engager la bataille pour redorer le blason de la production nationale agricole. La pasteurisation consiste à chauffer à une température précise et à faire refroidir à une température déterminée. Cela évite le développement des micro-organismes et détruit la virulence. « L’organisme, en général, surveille les germes pour les bloquer à l’entrée. C’est encore plus de travail pour les reins qui doivent filtrer davantage. Ce jus naturel permet à l’organisme de reprendre sa fonction fondamentale », a déclaré le responsable d’Eprina. Outre les jus de différentes saveurs, Eprina fabrique du savon liquide pour la lessive. « Notre savon liquide est fabriqué en grande partie de produits locaux. La fleur bien connue en Haïti, le ilang-ilang, nous sert à parfumer le produit. Son nom commercial « Kim sou Kim »- nom donné par les premiers clients et que l’institution a finalement retenu. L’entreprise initie plusieurs projets à la fois. Dans la zone de Grand-Goâve, Eprina pratique l’élevage de tilapias roses. L’entreprise est en parfait lien avec l’association, le bras social, lui, est budgétivore. C’est l’entreprise qui fournit à l’association les moyens de sa politique. Au-delà de tout, Edson Lubin compte énormément sur son projet de fabrication et de fonctionnement du biodigesteur. Il faut le voir à l’œuvre pour se rendre à l’évidence. « Si les déchets organiques sont séparés des autres déchets, nous pouvons en tirer de grands bénéfices », a-t-il confié au Nouvelliste. « La majorité de nos animaux (dindes, porcs, cabris, etc.) sont alimentés à l’aide de déchets. À partir de ces déchets, un cycle est observé. La fiente des poules et des dindes peut alimenter un bassin de poissons. Le fond du bassin va aussitôt faire pousser des phytoplanctons, de petites plantes. Les poissons vont se nourrir de ces microplantes. L’eau si riche en azote et en nutriments devrait être libérée, déversée. Les canards vont s’alimenter dans cette eau. Le reste de l’eau peut servir à l’arrosage d’un potager, d’une culture d’herbe pour les bœufs. Dans le processus de décomposition des excréments des bovins pour arriver au compost, on peut extraire le méthane dans l’étape intermédiaire. « Moins inflammable que le propane, le méthane trouve un usage important dans la cuisine. Dans la méthanisation, on obtient les déchets, le gaz carbonique (Co2) et la vapeur d’eau. Le pouvoir calorifique du propane est beaucoup plus grand que celui du méthane. Aujourd’hui, on utilise de plus en plus le méthane comme source d’énergie pour les réfrigérateurs », explique le chef d’Eprina. Dans sa course pour arriver à une ferme écologique, Edson Lubin parie sur la collecte sélective des déchets. Éviter de tout mélanger, dit-il. Que ce serait beau de voir les ordures organiques transformées en compost prendre le chemin des zones rurales ! Ce serait un « retour de fertilité ». Lubin assimile ce processus à un dialogue morne-plaine. L’idée est venue de mon travail. Depuis 2000, je travaille avec Caritas. Mon père est un technicien agricole. Nous avons un groupe dénommé 4C, à savoir corps, cœur, cerveau, conscience. Depuis mon jeune âge, j’ai l’habitude de prendre soin des pépinières et des plantes. Comme Haïti est un pays à relief montagneux, si le physique n’est pas à point, cela peut causer quelques soucis. La marche exploratoire permet de connaître son environnement. Edson Lubin indique que l’environnement est assimilable aux différentes parties de son propre corps. Celui-ci représente un point central à partir duquel gravite l’environnement le plus immédiat. Le corps est un exemple édifiant de l’environnement. Nous travaillons dans le domaine de l’écologie. D’ailleurs, nous avons un projet de captage d’eau dénommé « Rekòlte dlo, plante dlo ». Le captage d’une source est l’action de tirer l’eau du sol et l’amener à des utilisateurs, mais aussi il faut alimenter la source. Nous sommes autour de l’écologie. Pour revenir à un article publié dans les colonnes du journal Le Nouvelliste qui a fait état du secteur énergétique en quête de son envol, je ne veux pas que le paysan soit laissé au bord de la route, a rappelé l’agronome Lubin. Pour lui, à côté des panneaux solaires, des éoliennes, d’autres sources peuvent parallèlement se développer. « Je crains, lâche-t-il, que la question énergétique réelle ne cesse de tourner dans les grandes agglomérations. Je compte travailler avec les étudiants de Sainte-Trinité dans la fabrication de miniturbines pour l’hydroélectrique. » La synergie dont parle tant le responsable d’Eprina réside bien dans la fabrication d’un biodigesteur. Le plombier, le chimiste, l’agronome, l’économiste, l’électricien, pour ne citer que ces professionnels, chacun trouve une application de sa connaissance. Cette synergie est perçue ici de manière transversale.

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